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Écrivain en herbe

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Message par Bruno Mer 1 Mar - 8:24

Ma femme est particulière. On devait partir en vacances lorsqu’elle m’annonçât vouloir être hospitalisée. Cela la perturbait de partir. Elle ne voulait pas quitter l’appartement. Je tentais de la raisonner. Mais rien n’a faire. Elle n’en démordait pas. Je n’aurais qu’à la laisser à l’hôpital et venir la chercher à mon retour. Je décidais d’écrire sur le sujet. H. et moi, on s’était rencontré au centre Alexandre Dumas. Nous étions tous deux schizophrènes. Nous vivions en région parisienne dans un appartement que mes parents avaient acheté. La plupart du temps H. était normale mais parfois elle faisait des crises. C’était souvent le cas lorsqu’il y avait un changement. Les vacances, c’était trop pour elle. Il faudrait faire la valise, prendre l’avion et voir des gens autres que moi.

- Tu n’auras qu’à partir tout seul. Tu salueras tes parents de ma part, elle me dit.

La vérité c’est que je supporte de moins en moins ses lubies. Je regarde par la fenêtre et ne vois pas de solutions au problème. Dehors, un chat se promène sur le gazon. Je songe qu’enfant la vie était beaucoup moins compliquée.

- L’année dernière aussi, tu avais été stressée puis très vite tu t’étais habituée, je lui fais.
- Tes parents pensent que je suis bizarre!
- Mais pas du tout, il ne pense rien de tel. Moi aussi, je suis malade de toute façon.

Je m’installe sur la terrasse. Le chat me regarde. Nous sommes au rez de chaussée si bien que je peux le caresser. Mais l’animal prend peur.  Le problème avec H. est insoluble. La seule solution est d’écrire. En général, cela me calme. J’ai écrit quatre ou cinq nouvelles. Ce n’est pas facile d’écrire lorsqu’on est malade mais je n’ai rien d’autre à faire. J’entends H marcher dans l’appartement. Elle semble agitée. La plupart des gens ont peur de l’hôpital. Au contraire, cela a l’air de rassurer ma femme si bien qu’à la moindre contrariété elle menace de se faire hospitaliser. Il est à noter que le père de ma femme est psychiatre. L’hôpital lui est familier depuis toute petite. Mais je m’imagine mal partir tranquillement en vacances pendant qu’elle est hospitalisée. Je lui explique mon point de vue. Mais cela n’a pas l’air de la calmer.

H est plus jeune que moi et je crois qu’elle n’a pas accepté sa maladie. Elle voudrait être en bonne santé, faire des études, avoir la vie d’une jeune femme normale. Elle rêve d’être comme ses soeurs. Réussir sa vie.  La plupart du temps, je ne sais pas quoi lui répondre. Je m’accomode pour ma part de la situation.  Depuis peu, je peux de nouveau marcher tranquillement en regardant le paysage.

Lorsqu’on se promène, H ne regarde pas les arbres. Elle est dans son monde:

- Quel travail, je pourrais exercer, me dit-elle

Je dois reconnaitre que nous sommes parfois dans des situation difficiles. Nos maladies ne facilitent pas la socialisation. Et, en effet, cela affecte H qui ne demande dans le fond qu’ à être comme tout le monde. Malheureusement, c’est ce qui nous caractérise justement: ne pas être comme tout le monde. Inutile de dire que pour trouver un travail, c’est encore plus compliqué. Parfois, je songe que H devrait simplement lâcher prise, accepter les changements qui sont intervenus dans nos vies. Parfois, juste,  je me tiens à distance en écrivant sur les saisons qui passent. Dehors, les oiseaux se moquent que nous soyons malades.


Dimanche, H est de plus en plus difficile à vivre.  Elle reste assise dans le canapé et est parcourue par d’étranges rires nerveux. Je constate que sans le vouloir elle me fait des grimaces.  Je décide de joindre une psychiatre en urgence. Madame G est chef de service à l’hôpital P. Elle nous reçoit dans un petit bureau du centre médico-psychologique de la ville.  Madame G maitrise son sujet. Très vite, elle consulte le dossier de ma femme et énonce les neuroleptiques qu’ H a expérimenté au cours de sa vie. Je lui raconte les signes qui m’inquiètent chez H.

- Visiblement le traitement actuel ne fonctionne pas correctement.
- Le mieux serait d’essayer la clozapine. Si vous le désirez, on pourrait prévoir une hospitalisation d’une quinzaine de jours, nous dit-elle.

Je remercie Madame G et sors du bureau avec l’idée qu’après tout il y a peut être une solution. H me regarde. Nous rentrons à l’appartement, inquiets.


Je regarde les feuilles tombées. L’automne est déjà bien avancé. Je suggère à H de consulter son père. Après tout, il est psychiatre. Mais on le voit rarement. De son second mariage, il a déjà 4 enfants. H a en tout 2 soeurs, et 4 demi-frères et demi-soeurs. Souvent j’écris sur toute cette famille puis je cache tout ceci dans un coin de mon ordinateur. Peut être que cela ne plairait pas à H que j’écrive sur elle, mais à la vérité, elle occupe tout mon temps si bien que c’est le seul sujet qui me vienne à l’esprit. Au début de notre relation, j’en voulais au père d’H de ne rien faire pour elle. Un psychiatre, je pensai, devrait avoir des solutions pour sa fille malade. Au fil du temps, je me suis aperçu que les psychiatres étaient comme les plombiers. Ils sont plus ou moins bons.

Toute la journée H reste au lit. Elle consulte son téléphone, passe une commande pour un nouveau parfum ou regarde sur les réseaux sociaux ses anciens amis. J’assure le quotidien, fais les courses, prépare le repas. Malgré sa maladie, je suis très attaché à H. A part mes parents et quelques amis, je n’ai personne d’autre. Lorsqu’on s’est rencontré, je n’allais moi même pas très bien et je pensais qu’on allait s’en sortir ensemble. La suite m’a donné tort.
Je vais probablement passer l’hiver seul. Je pourrais rendre visite à H  de temps en temps.

Lors de sa dernière hospitalisation, l hiver dernier, H a dessiné des souris cinglés.  J ai décidé d accrocher le dessin au mur. Je suis assis dans le salon et je les regarde ces souris démentes. Elles semblent faire une ronde, le museau pointé vers le ciel. C est un étrange ballet dans l'appartement, empli de curiosité et de folie. Curieusement, H allait très mal cet hiver là mais les souris, elles, ne sont que joie et démesure. Elles paraissent échapper à leur simple condition de souris pour tutoyer le firmament.
Quand je le regarde, le dessin semble en mouvement si bien que j imagine souvent un dessin animé où les souris dingos danseraient simplement. A l’hôpital, H les a coloriées comme si malgré sa souffrance, elle tenait à se raccrocher à la vie. Il y a quelque chose d un peu sorcière dans ces souris là. C est une véritable danse de sabbat qu elle mène dans mon salon. Souvent je dis à H que j adore les souris cinglés. Alors H retrouve confiance.  Dessiner ces souris là n est pas à la porté du premier venu. Autrefois, j ai eu, il me semble, cette démesure. Depuis il y a eu le traitement, je n ai plus toutes les idées loufoques que j ai pu avoir.

Nous sommes assis sur un banc dans le parc de l’hopitâl. H a finalement accepté de prendre un nouveau traitement. Nous sommes arrivés en avance si bien que nous avons un peu de temps pour nous. Bientôt nous ne pourrons plus beaucoup nous voir. A cause du coronavirus, les  visites sont limitées. Curieusement H n’a pas l’air préoccupé.

- Tu es un sacré numéro, me dit-elle

Elle rit. Je regarde le vert du gazon. Je suis moins assuré qu’elle. Je ne sais plus que penser de cette relation. Je tiens à H mais la vie est devenue difficile. H n’est plus du tout autonome. Cette hospitalisation me laisse le temps de souffler. Je l’accompagne devant la porte du pavillon 26 service 11.  L’infirmière ne me laisse pas rentrer. Je donne son sac à ma femme et l’embrasse. H hésite à entrer.

- Vas-y, quand tu sortiras, tu iras peut être beaucoup mieux, je lui dis.

Elle me regarde puis me fais un signe de la main. La porte de l’hôpital se referme sur elle. J’entrevois des malades attablés dans la salle commune. Je suis de nouveau seul. Le bus me transporte à la maison. L’appartement est étrangement vide.
         
           

- L’hôpital P t’a téléphoné?
- H est tombée dans l’escalier. Elle s’est cassée la cheville, me dit sa mère.

Le premier soir à l’hôpital, H était désorientée. Elle a chuté dans l’escalier se brisant la cheville. Sa mère et moi-même sommes pertubés. Après tout, c’est moi qui lui avais suggèrée cette hospitalisation. H a été transférée dans un autre hôpital. Elle n’a pas son téléphone. On ne peut la joindre. Je raccroche. Je suis sous un arrêt de bus. En face, se dresse un petit pavillon avec son jardin de banlieue.  Je regagne mon appartement le coeur triste.

L’hopitâl P est principalement constitué de pavillons. Je bois un café sur la terrasse de la cafétaria. J’ ai une étrange impression de calme et d’harmonie qui contraste avec ma première visite ici, il y a dix ans. A l’époque, j’entendais des  voix. En tant que visiteur, je trouve ce lieu  agréable. Des malades discutent, et essaient de se procurer quelques cigarettes.  Je me décide à rejoindre le pavillon 26 où H est hospitalisée. Une infirmière me reçoit et m’invite à attendre dans le petit jardin.
H arrive en chaise roulante, poussée par l’infirmière. Arrivée à ma table, elle me sourit. L’infirmière nous explique que nous aurons une demi-heure pour nous voir.  Nous restons tous les deux à regarder le jardin. Un hérisson se promène sur la pelouse. Je lui demande si elle a mal. Elle ne se plaint pas.

- Tu veux toujours partir à la campagne, elle me demande.
- Peut-être. Je voudrais me rapprocher de mes parents, je lui réponds.
- J’aimerais bien te suivre mais je ne suis pas capable, elle me dit.
- Dans quelques mois, tu iras peut être beaucoup mieux, je lui fais.
- Je ne veux pas m’éloigner de mes parents, elle me répond.

H a un pansement au dessus de l’oeil droit. Elle est recroquevillée dans son fauteuil. Je regarde le hérisson au pied de l’arbre. Il n’a pas l’air inquiet par notre présence. La nature est une bouée de sauvetage. H est plus attachée aux soins.  L’entretien est terminé. Une interne pousse la chaise roulante en direction de l’entrée du pavillon. J ‘ai le sentiment de voir H pour la dernière fois.

- Prends soin de toi, B, me dit H en s’éloignant.

L’interne discute avec elle. H a l’air heureuse.

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Bruno

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