Kiusk
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Le printemps

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Message par Kiusk Mer 19 Juin - 8:11

-Bientôt, ce fut le printemps. Pendant des heures, je contemplais par la fenêtre du salon, la floraison des arbres fruitiers dans le jardin. A l’avant plan se dessinaient les branches du poirier sur le fond constitué par le ciel bleu. C’étaient des petites fleurs blanches auréolées par de fines feuilles vertes pâles, telles de la menthe, qui apparaissaient à mon regard. Sur le toit de la cabane de jardin, la chatte de gouttière s’étirait sous les rayons de soleil. Depuis que j’étais tombé malade, j’attachais de l’importance à ces éléments du dehors comme jamais auparavant. A cette heure précise, j’aurais du être à un quelconque rendez-vous, pour la recherche d’un emploi. Mais je préférais me laisser hypnotiser par les branches de ce poirier. N’y avait il pas dans cette société la place pour un contemplatif ?
A la droite de ce tableau se dressait un haut sapin vert légèrement jauni par la chaleur. Dans le fond, derrière le laurier se précisaient les silhouettes d’immeubles aux larges façades blanches. Même le noisetier et ses nombreuses feuilles vertes ne parvenaient à les cacher. Mon internement à l’asile psychiatrique remontait à plus d’un an. Depuis je ne faisais quasiment plus rien. Je me contentais de vainement remplir mon journal et d’observer le monde extérieur.
Je rendais visite à mon psychiatre une fois par mois. Mon opinion était qu’il devait être lui-même un peu fou. Il avait un étrange regard halluciné et ses discours étaient  souvent hors de propos. Je devais malgré tout absorber ses médicaments au risque d’entendre à nouveau des voix. Depuis que je suivais ce traitement, ma libido avait considérablement chuté. Cela ne semblait pas déranger ce praticien qui était habitué à avoir affaire à des schizophrènes. Il me conseilla d’aller voir mon généraliste pour corriger les effets secondaires du traitement. Par la fenêtre, je pouvais observer les chataigners qui semblaient souffrir  d’une maladie. Les feuilles étaient rongés par un champignon et on devrait sans doute abattre ces arbres. Je songeai à la vie et me dis que je n’étais pas verni depuis quelques années. Le psychiatre notait dans un dossier mes déclarations. Il me faisait l’effet de diriger un comissariat de police. Souvent, il répétait la phrase que je venais de prononcer puis pendant quelques secondes, semblait réfléchir au mal qui m’affectait dorénavant. Mais je n’avais pas l’impression qu’il détenait la moindre solution à mes problèmes. Il se contentait de me prescrire son traitement, le même depuis des mois.
S. habitait une petite maison dans le quartier chinois. Il vivait seul avec un chat. Parfois, je prenais un thé à la menthe chez lui, confortablement assis dans le canapé, à lire des magazines. S. était malade comme moi. Il avait de nombreuses théories sur l’invasion de la Terre par les extraterrestres. Hormis ce détail, la vie chez lui était agréable. Par la fenêtre, on pouvait apercevoir le vent s’immiscer dans les branches des peupliers. C’était le printemps. Nous avions de nouveaux projets.
- Nous pourrions créer un journal, me dit S.
- Oui, c’est une bonne idée. Il y a tellement de sujets à traiter.

Le premier article traitait de la conquête spatiale. La NASA devait mettre au point une fusée capable d’emporter des humains sur Mars. S. et moi étions passionnés par le sujet et notre article remporta un certain succès. Malgré notre désoeuvrement, nous avions trouvé une occupation qui correspondait bien à nos aptitudes. Très vite, nous rédigâmes un certain nombre de chroniques sur différents sujets. Nous diffusions nos publications sur les résaux sociaux si bien que nous avions dorénavant quelques abonnés. Le temps était au beau fixe. L’après-midi, nous nous rendions dans un centre où nous participions à différentes activités. La revue de presse était notre préféréé. Nous nous intéressions aux différents quotidiens et pouvions désormais comparer avec nos propres publications.
On était toute une bande. Il y avait le gros qui avait voyagé en soucoupe volante, moi, S. et d’autres psychotiques. Le mercredi, c’était peinture. Nous étions installés dans la salle d’arts plastiques. Une radio diffusait de la musique classique pour nous apaiser. I. avait peint une ville dans des teintes bleues. Il y avait plusieurs toiles. Chaque toile représentait des façades, des maisons, un immeuble. Chaque toile était une pièce d’un puzzle qui formait un même ensemble. En vérité, on aurait dit qu’I. avait découpé en cinq une toile plus grande. C’était toute une petite ville qui était divisée là, accrochée au mur. On passait du temps à regarder ces tableaux en début de scéance. Cela nous motivait.

Dans la cour du local, nous faisions un certain nombre de pauses. Des bancs étaient disposés devant des bassins où surnagaient des poissons rouges. La flore aquatique était propice à la contemplation. Pendant ces instants de calme et de repos, nous pouvions oublier quelques minutes notre maladie. S. était préoccupé depuis quelques temps par la quête d’un travail. Nombre d’entre nous étaient en effet désoeuvrés et les activités du centre étaient une bouffée d’oxygène. J’ avais par le passé, gérer un kiosque à journaux. Mais j’étais désormais bien incapable de reprendre un travail. Ma seule tâche consistait à remplir le soir mon journal.

Les infirmières avaient organisé une sortie au parc de Sceaux. Les cerisiers étaient en fleurs et nous allions fêter l’Hanami. Notre troupe se repèrait de loin dans les allées du parc. S. avait une théorie. D’après lui, les voix qu’on entendait étaient des messages télépathiques extraterrestres.  Les autres patients étaient attentifs à ces propos. Beaucoup avaient  le même problème.

- A peu près tous racontent la même histoire, dit S.

- Tôt ou tard ils vont apparaitre!

Des pétales roses volaient dans le ciel. Chacun contemplait les branches des cerisiers et leurs centaines de fleurs. Le temps où nous étions à l’hôpital était désormais derrière nous. Nous pouvions librement observer ce groupe de japonais qui pique-niquait sur la pelouse.  C’était un lundi du mois de Mai. Nous étions une dizaine avec les infirmières. Nous décidâmes de nous assoir sous les arbres. S. continuait son curieux monologue. Pendant ce temps là, nous parlions de nos traitements et de leurs effets secondaires.

- J’ai pris au moins trente kilos, dis-je.

- C’est le risperdal, cela fait grossir.

- Moi je ne bande plus, un autre faisait.

- On a plus de libido avec ces médicaments!

Il était vrai que nous avions désormais une curieuse allure. Dans le parc, nos silhouettes se détachaient comme celles d’étranges Bouddhas. Les médicaments de nos médecins n’étaient pas au point.  Les effets secondaires des traitements affectaient notre quotidien et la vie était parfois pénible. Pour ma part, je considérais que le pire était passé. Mais un patient, pris de crise, entreprit d’escalader un cerisier. Du haut d’une branche, il regardait en riant, les infirmières demunies devant un tel cas de figure.

- G. descendez de là tout de suite...Vous allez tomber!

- Vous ne m’aurez pas… Je reste là haut!

- Descendez...ce n’est pas drôle!

Le spectacle du malade suspendu au milieu des cerisiers en fleurs était pourtant cocasse et hormis les infirmières, toute l’assemblée riait de bon coeur. G finit cependant par descendre, encouragés par les autres patients.
Nous pûmes continuer notre repas, scrutant le ciel et les extraterrestres.
G. avait été enlevé une nuit d’hiver. Il regardait la lune par la fenêtre quand une lumière surgit. D’après lui, il avait disparu une quinzaine de jours. Ses souvenirs étaient vagues et il ne se rappelait que d’une sphère mystérieuse traversant l’espace. Parfois il perdait la tête et se mettait à faire n’importe quoi. Selon ses propos, c’était le résultat des expériences que les martiens avaient effectuées. Il en gardait un étrange regard et une curieuse façon de parler. Souvent il semblait pris d’un hoquet nerveux lorsqu’il évoquait son voyage en soucoupe volante. Pendant sa convalescence à l’hôpital, il ne cessait de répéter inlassablement:
- Rheu...Rheu… La sphère se rapproche...Nous devons partir!

S. avait bricolé une radio le mois passé. Il espérait capter les ondes venues de l’espace. Il ne lui suffisait pas de les entendre dans sa tête. Il voulait une preuve que les extraterrestres existaient. Il avait installé la machine dans sa chambre. Cela faisait un bruit du tonnerre. Quand il l’allumait, le chat quittait la pièce, dérangé par ces curieux bruits parasites. La plupart du temps, on entendait pas grand chose. Mais S. attendait un signe depuis l’espace. J’étais confortablement assis dans le canapé et je lisais un magazine. S. bidouillait les fréquences afin de capter quelque chose. Soudain, on entend une voix dans le transistor.

-Voici la preuve, me dit S.

- Je crois que c’est du russe, je fais.

- Tu parles le russe, il me réponds agacé.

On distingue parfaitement la voix. Finalement son appareil fonctionne correctement. S. augmente le volume de la radio.

- J’aimerais bien savoir ce qu’il raconte.

- Moi aussi, je lui dis.

- Ils doivent se trouver dans une station orbitale.

- Possible, je fais.

Cela ne semble plus intéresser S. Lui, il attend un message des extraterrestres. Il joue à nouveau avec les fréquences mais cette fois-ci ne capte rien. Ce bruit commence sérieusement à me fatiguer. S. commence à s’impatienter également.

- On réessaiera demain conclut-il.

Ce n’est pas aujourd’hui qu’on entendra les extraterrestres. Je décide de rentrer chez moi. Le chat semble content que tout cela se termine.


Je tombai malade dans les jours qui suivirent. Mon psychiatre avait cru bon de me baisser mon traitement si bien qu’au bout de quelques semaines, j’entendais à nouveau des voix. Dans ces moments là, je perdai toute maitrise de moi même. Il me semblait qu’une force extérieure m’envoyait des messages télépathiques. Etait-ce les extraterrestres qui s’adressaient à moi, comme le disait S. ? En piètre état, je dus appeler les urgences qui me transportèrent à l’hôpital P. L’endroit était plutôt agréable. Nous pouvions fumer dans un petit parc, confortablement assis sous des grands platanes. Contrairement à ma première hospitalisation, j’étais arrivé ici pendant les beaux jours. Le jardin était rempli de fleurs, roses, tulipes, iris et l’atmosphère était apaisant. Au bout de quelques jours, sous l’effet du nouveau traitement, les voix disparurent mais je devais rester à l’hôpital quelques temps.

Dieu A. était une femme, et noire, qui plus est. Lorsqu'elle entreprit d'insulter une petite vielle, tranquillement assise sur un banc, sous les platanes. Je réalisai que je n'étais plus dans la douceur et le calme de mon pavillon de banlieue, mais bien à l'hôpital psychiatrique. A cet instant, il ne m'apparaissait pas comme évident que A. était Dieu.
Un chinois psychotique, G. arpentait les allées du jardin du pavillon 12. Il avait ce regard  étrangement vide de celui qui vient de faire une crise. Sous les arbres centenaires, je tentais de détendre l'atmosphère et offrit une cigarette à Dieu. L'heure du repas était proche, et je me demandai s'il y aurait du homard au diner.
La réflexion fit rire les deux femmes. Et nous purent finalement nous prélasser tranquillement au soleil, loin des conflits et des mesquineries qui ponctuent les journées à l'hôpital.

C’était une étrange maladie que de se prendre pour Dieu. D’où lui venait cette certitude? J’avoue  que plus je fréquentais A. et plus je finissais par croire à son curieux délire. La jeune femme avait une véritable force de persuasion et affaibli par ma maladie, je me trouvais bien démuni face à son étrange comportement. Nous nous promenions dans une allée du parc lorsqu’elle me confia ne pas pouvoir avoir d’enfant.
- Je suis Dieu...Tu comprends, me disait-elle.
A l’époque, sa logique m’était accessible et c’est le plus normalement du monde que je lui dis qu’en effet je comprenais. Mais au jour d’aujourd’hui, je ne sais pas bien pourquoi toute cette histoire ne m’étonnait guère. Après tout, S. était bien obnubilé par les extraterrestres. Et cet espace parallèle m’était dorenavant aussi naturel que la contemplation des iris dans le jardin.
Je quittai A. et l’hôpital un jeudi. Je n’entendai plus de voix mais j’étais légèrement déprimé. Mon psychiatre m’avait dit que je devrais me remettre petit à petit mais je lui en voulais de m’avoir changé le traitement m’obligeant ainsi à être nouveau hospitalisé. Je décidai de me débarasser de ce médecin si peu précautionneux.
Je dormai une douzaine d’heures chaque nuit. Je me couchai tôt. A environ sept heures. Pour m’endormir je lisais les nouvelles de Raymond Carver.  Puis je songeais à la fin du monde. Il n’y a bien que dans mon lit où je trouvais refuge. Les draps formaient un doux nid douillet où je pouvais échapper à la réalité le temps d’une nuit. Le matin, je prenais mes médicaments. Ils étaient dorénavant essentiels à mon quotidien. Chaque semaine, je voyais une psychologue. J’ évoquai mon enfance, l’été à la campagne. C’était comme un paradis perdu qui ressurgissait à la surface. Je  me souvenais de mon grand-père me transportant sur sa mobylette à travers l’Ariège. Souvent, nous nous arrêtions dans un café pour jouer le tiercé du jour. Installé sous les platanes, nous prenions un apéritif en terrasse. Nous pouvions observer un cours d’eau s’animer pas très loin de nous. L’époque de l’enfance avec mon grand-père était mon meilleur souvenir et c’est avec nostalgie que je me remémorais ces instants dans le bureau aux murs bleus. Désormais j’avais vieilli et j’entendais des voix. Tout cela était derrière moi et beaucoup de problèmes se posaient dorénavant.
Est-ce que je pourrais à nouveau travailler? Aurais-je une chance de guérir quelque peu? Cette saison du printemps était mitigé et seuls les souvenirs du passé étaient encore glorieux. Dans le jardin, la nature était en fleurs. Je songeai à ce qu’aurait pu être ma vie si je n’étais pas tombé malade. Il me restait malgré tout quelques amis et mon journal que je remplissais de caractères bleus.

S. s’était acheté un véhicule flambant neuf. Il avait hérité d’un vieil oncle. S. adorait conduire. Désormais, il faisait le chauffeur pour tous ses amis. Son bolide avait fière allure. Lorsqu’il prenait le volant, il enfilait ses gants tel un pilote de courses. Il lui arrivait de divaguer mais il faut reconnaitre que S. conduisait prudemment. Après les activités, on partait souvent boire un café au parc de Sceaux ou à la roseraie. S. aimait dans sa voiture écouter du jazz.  On se garait en face de l’église, puis nous installions en terrasse. S. n’avait toujours pas de preuve de l’existence des extraterrestres mais il continuait à écouter sa radio dans sa chambre.

- Hier, j’ai entendu des cosmonautes américains.

- Vraiment, qu’est ce qu’il racontait?

- Je ne parle pas l’anglais mais il était sans doute dans une base spatiale.

- L’avenir est sur Mars, dit le gros.

- Oui, le grand voyage est pour bientôt!

Un rayon de soleil vint frapper mon visage, faisant ressurgir des souvenirs. Enfant, je dessinais des martiens à l’école primaire. C’est cette image qui me venait quand je songeais aux extraterrestres. Mon institutrice m’avait dit que j’étais très éveillé. J’en avais tiré une grande fierté. J’avais connu une belle époque. L’éducation n’était pas très rigide. Nous jouions dans la cour sous les peupliers. Nous partions en classe de mer. Pourquoi tout cela avait mal tourné? S. pensait que des êtres d’une autre dimension nous envoyaient des messages télépathiques. Mais je ne croyais pas à ces histoires à dormir debout. Mon cerveau s’était dérèglé et seuls les médicaments pouvaient enrayer ce phénomène. Cependant j’aimais me rendre chez S. pour écouter sa radio. Je regardais par la fenêtre son jardin. On y trouvait les mêmes peupliers que dans la cour d’école. Nous étions malades mais pas forcément malheureux. Notre journal tenait la route et nous occupait le week-end. Je faisais régulièrement un compte rendu de mes lectures. J’appréciais particulièrement “A travers la vitre” du japonais Soseki. Il avait tenu ce journal alors qu’il était malade, m’inspirant grandement dans mes écrits du soir. Un autre modèle était le cubain Guillermo Rosales qui était un écrivain schizophrène comme nous. Lorsqu’il avait écrit “Mon ange”, il était hospitalisé dans le boarding home qu’il décrit dans son livre. La maladie avait evidemment une place particulière dans mon quotidien. Et les écrivains auquels j’étais sensible étaient bien souvent eux-mêmes malades.

Je lisais les journaux. Mon père m’avait abonné au Monde. Je découpais des articles que je collais dans des cahiers. De temps en temps je faisais un résumé des articles à la revue de presse. Les nouvelles n’étaient pas franchement gaies. Mais cela m’aidait à me reconstruire. L’homme, petit à petit, détruisait la planète. Les espèces disparaissaient. Les températures augmentaient. Il y avait des périodes de canicule. On était obligé de rester enfermé chez soi, les volet fermés. La fin du monde était proche. S. continuait à écouter sa radio, dans l’attente des extraterrestres. Le Monde n’en parlait pas dans ses colonnes. Mais avec S. nous étions à la pointe de l’information. L’avenir était sûrement dans l’espace. Bientôt l’homme peuplerait Mars.  Je continuais à écrire sur mon ordinateur. Je n’entendais plus de voix. Ma situation semblait stabilisée. Mais la planète allait mal.

Nous sommes allés à l’hippodrome avec S. A l’orée des villes, on trouvait ces coins de verdure. On faisait surtout une promenade. J’avais déniché un favori, et je comptais bien faire un léger bénéfice.  On s’installa dans les tribunes. On regardait les courses. Cela passait le temps. Dans la cinquième, j’utilise mes jumelles afin de voir mon cheval. Un beau modèle. Mais sa cote est basse. Je ne vais pas gagner grand chose. Malgré tout c’est un bel après-midi. On oublie nos problèmes. Dans les platanes, se détachent des lumières magnifiques. Je songe à la fin du monde. Ce n’est pas pour tout de suite.

-Tu as joué combien, je demande à S.

- Vingt euros et toi.

- Pareil, on va gagner!

Notre cheval prend le commandement de la course. Il y a 1600m avant la victoire. A l’entrée de la ligne droite, le favori a quatre longueurs d’avance. On jubile. On ne peut connaitre la défaite. C’est notre journée. La journée des psychotiques. L’alezan passe le poteau en tête. On se lève et crie hourra. On n’a pas gagné grand chose. Mais Je souris. Encore une bonne histoire. L’hôpital n’est plus qu’un mauvais souvenir.

Quand je tombai malade, certains de mes anciens amis cessèrent de me voir. Ils m’évitèrent,craignant certainement que ma folie soit contagieuse. Dans les premiers temps, ils commencèrent par simplement ne plus répondre au téléphone. Puis ils me dirent clairement que la psychiatrie leur faisait peur. Evidemment je fus affecté par tant d’abandon et de lâcheté. Mais j’étais trop malade pour véritablement me rendre compte. Je restai dans ma chambre à attendre la fin du monde. Le chat était mon seul compagnon.
La plupart du temps, j’écrivais. Cela m’aidait à oublier ces camarades. D. était l’un d’entre eux. Je le connaissais depuis l’âge de huit ans. Nous avions passé toutes nos vacances ensemble. Curieusement, il profita de ma faiblesse pour évoquer dans un courrier tous les griefs qu’il avait à mon égard. A l’âge de douze ans, je ne l’avais pas aider alors qu’il était dans l’embarras. J’étais un mauvais ami et cela depuis longtemps. Dans cette lettre, je pus constater toute sa haine et sa férocité et faire le bilan de ses névroses. Evidemment la bougre aurait du consulter. Et c’est bien pour cela que ma maladie le perturbait. Mais je n’avais pas l’énergie ni la temps de lui expliquer. Très vite, je me suis aperçu que les troubles psychiques font peur. La plupart des psychotiques que je croisais étaient très seuls. Certains étaient même abandonnés par leur propre famille. Je devais me faire de nouveaux amis. Heureusement il y avait le centre. Je croisais là-bas des cas desespérés, comme moi.
Les vacances pointèrent leur nez. J’occupai mon temps en me promenant à la Roseraie. Je contemplais les centaines de roses dans le parc. Elles faisaient leur apparition au mois de mai. Nous étions fin juin mais leur parfum restait présent. Petit à petit, je me sentais moins malade. Mes réflexions dans mon journal étaient plus structurées. Mais je restai un contemplatif.  Désormais je me rendais moins souvent au centre. Je préférai trainer dans les allées du parc. Parfois, je m’installai en terrasse pour prendre un café, en lisant un livre. Je lisai “Le postier” de Bukowski. Son premier roman est très bon. Il décrit sa vie lors de son premier emploi. Je me souvenai des années passées dans le kiosque à journaux. Finalement cela me manquait. Mais j’étais bien trop fragile pour espérer reprendre cette activité. Je décidai d’écrire. C’était le printemps 2012. J’étais désormais schizophrène et je contemplai les fleurs. Peut être parviendrais-je à en tirer quelque chose?

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Message par Math la menace Jeu 10 Oct - 20:30

Joli texte Bruno, j'ai enfin pris le temps de le lire en entier. Dommage qu'il l'ai refusé dans la revue

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Message par Kiusk Ven 11 Oct - 7:26

Merci Mathias. Il faut que je travaille à d'autres.
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Message par Math la menace Lun 14 Oct - 19:22

Oui, il faut continuer

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